La truculence joyeuse et gourmande de la langue de Rabelais fait du bien en ces temps d’incertitude morose. C’est l’une des raisons qui motive ce choix de la servir et de l’offrir à entendre. Loin des langues de bois et du politiquement correct, sa parole est salvatrice. A la fois solaire et viscérale, elle fait la nique à la dérive de nos sociétés emportées par l’élan du tout mesurable, elle rit de nos quotidiens soumis et figés par le confort, elle s’esclaffe de nos froides propretés, de notre immobilisme et de nos frustrations. C’est une langue active et pénétrante que nous nous efforçons de véhiculer, suivant à la lettre le bon conseil donné par l’épitaphe du grand François : Vivez joyeux.

​

Notre démarche invite aussi à découvrir ou à redécouvrir cet humaniste du XVIème siècle sous un jour moins académique. En effet, si le texte est respecté, la forme du spectacle s’éloigne volontairement de l’imagerie moyenâgeuse ou vieille France. Les deux personnages en scène pourraient sembler sortis d’un cirque ou d’un carnaval si l’omniprésence des sons d’une guitare électrique jouée par l’un des deux ne venait parfumer l’atmosphère d’une saveur rock’n roll. Nous sommes dans une sorte de cabaret-concert en ancien français. Tantôt joué, tantôt scandé, chanté ou déclamé, le texte sort du livre et s’offre au public.

 

Bas Rock Rabelais est ainsi un temps de partage. Dès les premiers instants, le public est invité à scander en chœur le nom de Rabelais, comme un appel, une invocation, tandis que volent des confettis. Le ton est donné, nous sommes dans l’interactif, le jeu, la fête. Sur les deux pupitres, les feuillets attendent d’être saisis puis libérés de leur contenu pour ensuite finir leur envol. A la fin, le sol sera jonché de papier blanc. Au fond de la scène, une table est garnie de livres de toutes formes et de toutes sortes : roman, essai, poésie, bande dessinée… Au milieu des ouvrages, une bouteille pour géant, remplie de vin rouge, et une rangé de verres, comme le signe d’une ivresse à venir. Au final, les deux protagonistes approcheront la table du public en invitant chacun à déguster ces paroles à boire et à manger, sans omettre toutefois d’y puiser - comme le dit le texte - de sucer la substantifique moelle avec le ferme espoir de devenir avisés et vertueux au gré de cette lecture.

 

​